Y’a des jours où vraiment je ne comprends pas comment ça se passe dans la tête des décideurs et particulièrement dans le monde de l’éducation.
On se mange de la réforme à tous les repas, de la bonne grasse réforme. Comme n’importe quel omnivore ben on s’adapte et on finit par trouver ça bon. Mais faut croire que pour notre bien, faut varier notre régime fréquemment, alors quand on aime trop quelque chose et ben faut le changer, des fois que nos élèves et nous-même finirions par nous habituer et à nous épanouir au travail.
Et puis voilà, la réclame fait que, y’a des trucs mieux donc faut les mettre en place. Cette année le truc mieux, c’est l’évaluation des profs. Ben oui c’est pas au point le système, c’est arbitraire (une note après une heure de visite toutes les x années) et puis avec ça, et ben les enseignants et ben ils s’investissent pas dans leur travail plus que ça.
httpv://www.youtube.com/watch?v=cOeygrYyJ7s&feature=related
Alors ben on décide qu’on va mettre un système mieux. A la place de l’inspecteur, ben ce serait notre chef d’établissement qui nous noterait. Et la réclame elle est à peu près du niveau de celle de Ash. C’est le système de l’entreprise donc c’est bien.
Et ben même si la méthode elle est basique, et ben elle crée quand même le buzz. Tu métonnes. Si y’a bien une profession que la majorité des profs déteste, c’est celle d’inspecteur. Même moi j’avoue, j’ai tendance à penser que vouloir devenir inspecteur c’est un peu come vouloir devenir huissier. Serait-ce une tentative de com en direction des enseignants?
Que Nenni. Parce que le but c’est pas de faire de la com. Pour certains le but est de réduire l’avancement général pour faire des économies. Je ne vais pas rentrer dans le débat syndical, je ne suis même pas certain de cet objectif.
Replaçons la scène dans son contexte général. Depuis quelques temps et particulièrement cette année, il est de bon ton de taper sur les pédagos, ces grands destructeurs de notre école à la Jules Ferry qui avait fait ses preuves en permettant de créer des générations entières qui savaient lire et écrire (pas toujours foutus de réfléchir mais bon on s’en foutait à l’époque). Je ne citerai pas de noms, ça apporterait une audience inutile à ces antipédagos qui en général ont foutu les pieds dans une classe pendant un ou deux ans avant de faire quelque chose de financièrement plus rentable.
Bref, tapons sur les pédagos. Dans le même temps, on va dire peut être depuis 2005 (enfin en tout cas c’est à ce moment que ça m’est apparu), il y a eu une grande évolution du rapport entre profs et inspecteurs. Bon quand je dis grande évolution faut nuancer, on se grille pas encore des saucisses autour d’un feu de camps en chantant. Mais une évolution tout de même. Augmentation de réunions réellement pédagogiques qui donnent lieu à de réelles discussions, collaborations diverses et variées avec parfois un vrai sentiment d’avoir été entendu et compris et finalement il est devenu assez fréquent de croiser ses inspecteurs à droite à gauche. Les vilains diront ça c’est la faute du socle. Ben c’est peut être un peu grâce au socle, peut être un peu grâce à une vision commune du métier (enfin pour ceux qui ont réellement été profs)
Et là pan, alors qu’on est à deux doigts d’aborder le chamallow grillé, on n’a plus qu’à manger les inspecteurs. Parce que ça y va un peu fort de tous les côtés quand même et on atteint même l’overdose.
Je n’ai pas vraiment d’avis sur la question du chef comme évaluateur, ce sera pas pire d’être opposé à son chef que d’être opposé à son inspecteur AMHA. Mais ce qui sera pire c’est que là ben on pourra plus causer à personne de notre discipline sinon à nos collègues quand on a la chance de ne pas être éparpillé sur deux ou trois établissements. Surtout, plus aucun regard extérieur et plus aucune remise en cause
Alors c’est là l’habileté de la manoeuvre. il suffit d’écouter une discussion de profs à la cantine. Les farouches opposants au projet, les farouches partisans, ceux qui aiment pas leur inspecteur, ceux qui aiment pas leur chef, ceux qui aiment pas les nouilles (rien à voir mais ça arrive à la cantine). Si c’est pas habile ça! réussir à buzzer tout en divisant les collègues.
Et alors qu’on s’approchait d’une dimension toute pédagogique du boulot d’inspecteur, enfin reconnu comme telle (bon y’a toujours des nazes aussi mais y’en a plein chez les profs et les boulangers aussi) que restera-il de pédagogique dans les établissements? nada. Ah oui le fameux conseil pédagogique où quand on fait le bilan on cause de tout sauf de pédagogie? La cantine?
La vla la vraie nature du projet. Ne plus parler pédagogie dans les établissements scolaires et parler de résultats chiffrés et mesurables avec un impact sur PISA si possible. Et ça commence à gaver (pour rester sur le thème cantine). Dès qu’un truc un peu positif pointe le bout de son nez, hop, supprimé. Parce que faut pas réver, les inspecteurs qui n’évaluent plus, ça ne voudra pas dire qu’ils auront plus le temps de venir nous voir pour discuter de pratique ou de projets. Ca voudra dire les inspecteurs sur des tâches purement administratives (si j’ai bien compris suite à une discussion récente avec l’un d’entre eux c’est déjà plus que largement le cas).
Alors aux heureux qui s’en réjouissent, ben pensez juste à un truc qui sera encore plus génial après ça. La seule chose que vous demandera votre chef pour démontrer votre qualité pédagogique, c’est de bien tenir votre classe. Et quand vous n’y arriverez pas, il suffira de fermer la porte et de ne rien dire.
Qu’est-ce qu’on ferait pas pour un peu plus de PISA!
Je me disais il n’y a pas si longtemps que la profession d’IA-IPR avait du soucis à se faire au niveau de son existence même. Je vois que je ne suis pas la seule à me soucier d ‘eux….
C’est vraiment dommage, parce qu’il y en a de très bien.