Bon, je m’y prends un peu tard. Vous avez tous eu vent de l’annonce du plan numérique et de la probable, hypothétique (rayer la mention inutile) dotation de tablettes pour les élèves de cinquième, annoncée par le Président de la République. Depuis ce jour, c’est le grand n’importe quoi sur le net, chacun y allant de son argument le plus débile ou le plus inadapté pour en parler, en particulier pour le critiquer. Et l’argument numéro un servi à peu près autant que la sauce samourai sur les kebabs, ce sont des systèmes fermés. Alors attention, sans jamais dire ce qu’est un système fermé. L’explication risque d’être un peu compliquée, les adversaires des tablettes ayant souvent une compréhension limitée dans le domaine technique et même une compréhension limitée de leurs propres propos.
Le plus inquiétant dans l’histoire, c’est que le même argument est repris par les vieux réac tendance facho, le prof inquiet qu’on lui impose un truc qu’il ne maîtrise pas, celui qui se prend pour un geek parce qu’il a un ipad (et qui en réalité a surtout peur qu’on lui refile un autre système), des libristes qui pensent que l’on va donner le marché à Apple ou Microsoft et qui n’ont pas encore compris qu’Android c’est pareil. Bref tout le monde peut utiliser le même argument. Mais personne, non personne n’a dit ce qu’était un système fermé.
Alors comment dire, c’est assez compliqué. on va essayer d’organiser ça en catégories.
Matériellement, oui c’est sûr, c’est un système fermé. Essayez d’ouvrir une tablette et vous arriverez probablement à une catastrophe, très peu sont prévues pour être ouvertes.
Le prof inquiet lui, il va penser à un système fermé quand il n’y a pas Word dessus. Alors pour rassurer tout le monde désormais il y a Word gratuitement sur tous les systèmes. Voilà, la discussion est terminée. Je simplifie un poil, juste un. En réalité chacun a des habitudes et il est normal de craindre de ne pas gérer ce que l’on ne connait pas. c’est un vrai problème dans l’éducation nationale qui fait que certains profs de technos par exemple utilisent encore Publisher…. Mais plus largement il est question d’interopérabilité des logiciels. le jour où tout le monde respectera les standards, il n’y aura plus de problème.
Le geek est une espèce dangereuse. Enfin attention le geek qui se dit geek, le vrai pense tellement que c’est normal qu’il ne se dit pas. Le geek qui se dit geek, il utilise un truc, il en est fan et…. il est incapable d’utiliser autre chose. Lors d’une soirée arrosé, un personnage de ce genre s’approche de moi et me montre son iphone (c’était du temps des premiers) et me dit… « je suis très macgeek ». Je ne peux retracer l’intégralité de la conversation ayant abusé de bière romulienne, mais je conclus ce bref échange par « Enorme, ça ressemble à un transponder dans Star trek », ce à quoi il me répondit c’est quoi « Star Trek ». Je finis cet échange par « vavlI’ Ha’DIbaH » en klingon. Il me dit cool. Bon si vous n’êtes pas initiés aux klingon ça veut à peu près dire « Ton père est un chien ». Bref, être pourri par un système c’est peut être la pire des choses. Dans l’éducation nationale l’ultra habitude pourrit un peu les tentatives de faire bouger les choses. Envoyez un fichier libre office à vos IPR ou à vos chef pour voir.
Le vrai geek, lui est un peu particulier. D’une, il risque de connaître le klingon, c’est pas le cas de tous mais il faut se méfier. Lui est aussi dangereux. D’une, il fait peur à ses collègues. En gros si le vrai geek a une tablette, les autres en voudront une autre parce qu’il n’y a que lui qui peut le faire. On rigole mais c’est un vrai soucis. Imaginer un collègue totalement ignorant voyant un virtuose agir avec sa tablette. En gros, oui mais c’est lui et je ne prendrai pas le risque de le faire. Si on avait un peu de temps pour faire des démonstrations, pour initier nos collègues, on n’en serait pas là. De deux, le vrai geek, il n’a pas le temps parce que, il a déjà trouvé autre chose. La crainte des collègues est une réelle problématique: le problème est que la formation se pose en modèle; Regardez ce que je fais avec ma tablette ou avec ceci; à aucun moment on ne présente la formation comme: alors, que pourriez vous faire avec?
Le libriste se distingue aussi en deux catégories.
Le vrai, le libre, le donneur de leçons, te vomit dessus dès que tu parles d’un système. Et si tu dis apple, c’est la gastrooooo totale. Il ne cherchera même pas à savoir ce que tu fais d’autre. Si tu dis windows, il va vomir aussi mais bon, tu peux à la rigueur utiliser un peu de libre dessus alors il te dira de faire un peu attention. Il va magnifier android sans te dire que c’est la porte de google et que ça te mange tes données personnelles comme les autres mais c’est pas grave c’est écrit libre.
Le vrai libriste a conscience de l’état des choses. il sait que malheureusement, la masse de la population utilise autre chose, que c’est avant tout un état d’esprit et qu’il faut du temps pour convaincre les gens. Il essaiera de te faire comprendre qu’avec ta tablette apple ou windows ou android, l’essentiel est de faire attention à l’utilisation, de faire attention à ses données. il te démontrera que tu peux remplacer telle application par une autre, il te fera sans en douceur. Il te dira avec patience que Android c’est mieux mais qu’il faut faire attention parce que derrière il y a google. il te dira que derrière chaque tablette se cache une société qui vise avant tout le profit. Il ne fera l’apologie de rien et te conseillera juste ce qu’il pense être juste. Du coup, tu hésiteras parce que tu ne trouveras pas forcément l’équivalent libre d’une application. C’est pas grave, fais comme tu le sens, ce qui compte c’est l’état d’esprit.
Bref, a-t-on répondu à la question? C’est quoi un système fermé? Ben non parce qu’un système fermé ça n’existe pas en terme d’éducation. il y a des systèmes, tous appartenant à des entreprises, qui toutes veulent se faire de la thune. Voilà c’est à toi de choisir, c’est à toi de tester. Un système est fermé si tu fais tout ce que le constructeur ou la boite derrière le système te dis de faire. Rien ne t’empêche de faire avec iOs ce que tu veux même si c’est différent de ce que te dis apple, rien ne t’empêche d’utiliser de l’ultra propriétaire sur android. un système fermé c’est un système dans lequel tu fais ce que l’on t’imposes. Pour utiliser tous les systèmes, je peux dire qu’aucun n’empêche de faire ce que l’on veut. certes j’ai des préférences parce que ceci ou cela. Mais toi, qui bosses, tu feras la même chose avec n’importe quel système. Une chose est magique, toutes les tablettes sont tactiles, toutes les tablettes sont facilement prises en main par les élèves, toutes les tablettes permettent de faire quelque chose.
Surtout ne lis pas les avis débiles qui te disent que c’est fermé parce que c’est telle boîte qui le fait, parce qu’il n’y a pas de clavier (il y a un truc magique sur toutes les tablettes qui s’appelle le bluetooth et qui permet d’avoir un clavier physique), parce que c’est apple ou windows les grands satans. Tout est fermé parce que tout appartient à une boîte. Par contre ce que tu en fais, ça n’appartient qu’à toi. Certes tout n’est pas libre et j’attends avec impatience ubuntu touch, mais tu trouveras sur tous de quoi faire gratuitement, du vrai boulot.
Pour résumer, les opposants aux tablettes à l’école, essayez de vrais arguments. Pour le Ministère, essayez de penser à mélanger les choses.
Bien content d’avoir eu peur d’être dans une catégorie, d’y être… Mais de ne pas en avoir les défauts (j’en ai d’autres hein!).
Personnellement quand je dis système fermé j’entends surtout l’ENT tel qu’il est fait aujourd’hui et non l’OS (même si Apple.. NON j’ai rien dit). Et je pense vraiment qu’on va nous l’imposer sur les tablettes « made in France ». J’ai 30 tablettes en classe, l’icône dont nous nous servons le plus est le bouton « partager ». Tel que le système semble prévu (avec l’ENT actuel donc), impossible de faire le travail que je fais actuellement puisqu’il faudrait passer d’applications non prévues sur l’ENT à des modules ENT. Bref, à moins que je me plante fortement, tu m’as compris. C’est ca pour moi un système fermé. Mais je me trompe peut-être, je devrais employer un autre terme (lequel?)
Après je suis totalement d’accord avec le reste du billet, il y avait un article sur le regretté OWNI qui s’intitulait « hacke ta pédagogie » on est dans le même esprit ici.
J’ai un peu de mal aussi avec les ENT bien que je dispose d’un ENT correct? Effectivement, j’utilise plein d’outils que l’on ne peut lier à l’ENT. Ce ne serait pourtant pas bien sorcier avec les API de ces différents outils mais là le problème tient plus de la parano que d’autre chose
J’avoue ne pas maitriser complètement l’intégralité des concepts mis en jeu dans ce billet.
Il y a un point qui a attiré mon attention et sur lequel j’aurais voulu insister : la formation.
Tu soulèves parfaitement le problème d’une formation qui dis et montre comment faire opposée à une formation qui devrait accompagner le prof pour lui montrer comment l’outil peut se mettre au service de SA propre pédégogie.
Je ne suis qu’un modeste usagé du nuémrique, et absolument pas pédago-geek pour des raisons avant tout matériel (mais pas que, mais je développerais un jour peut-être) et absolument pas opposé au numérique en classe (encore que il faille définir un peu plus précisément numérique)… Bref
J’ai eu dans ma jeunesse des formations TICE avec des mecs qui avaient passé des heures à faire des captures d’écrans et à monter des powerpoint pour montrer tout ce qu’il était possible de faire avec des logiciels… Ca faisait bien à l’époque de modéliser un circuit série plutôt que de le faire monter sur table aux élèves. Ca a aussi participé à briser l’image du numérique chez les profs je crois. Mais le numérique a changé. Les formations je ne sais pas…
La formation injonctive dispensé dans l’EN (qui est bien souvent la norme) est juste insupportable et est 99 fois sur 100 à l’origine du rejet de la formation par les collègues (bon certains sont aussi chiants mais bon, c’est un autre problème).Et pas uniquement dans le domaine des TIC. Le plus drôle restant pour moi le formateur qui injonctionne des méthodes non injonctives auprès des élèves. Ou le cours magistral devant amphi avec PPT qui t’explique que le CM c’est de la merde. Bref. (en gros les méthodes d’apprentissage ça fonctionne jusqu’à 18 ans et après quand t’es adulte c’est les bonnes vieilles méthodes qui fonctionnent)
J’ai donc beaucoup aimé ce passage (celui de la bière aussi mais c’est plus personnel). J’aimerais donc que lors des formations numériques à venir (je n’en doute pas !) on me file une tablette, des applications. Et qu’on vienne m’aider et m’appuyer, collaborer avec des collègues pour voir que faire. Et surtout qu’on m’explique comment faire ce que j’ai envie de faire. Bref qu’on me forme.
J’ajouterai juste un léger détail (je me suis beaucoup exprimé sur twitter sur le sujet de doter tous les élèves d’une classe d’âge d’une tablette) : je n’ai moi même pas de tablette. Pour mon usage personnelle je n’en ai actuellement pas l’utilité (Ca viendra certainement). Et je n’ai pas l’intention d’en acheter une uniquement pour le travail (catégorie prof radin ?)
Merci pour tes billets
Lots of love
Loic
Tout est vrai et fort bien dit.
Et cela était déjà vrai pour les ordinateurs, les TB-TN-VPI, etc…
Nous sommes entre le marteau des anti-TUIC et l’enclume de l’EN et de ses plans informatiques où la dimension de formation des personnels est toujours absente au pire ou pyramidale au moins pire…
Bravo pour ton site, ton analyse et ta mutualisation.
C’est en s’appuyant sur des gens comme toi qu’on aura, peut-être, une chance de réussir l’entrée de l’école dans l’ère du numérique.
A très bientôt sûrement
Pierre
Si je peux me permettre, je peux répondre un peu. Ok pour la formation, c’est essentiel et central. Après, ça peut aussi vouloir tout et rien dire à la fois. Une tablette, c’est comme un ordinateur, les possibilités d’utilisation sont immenses. Tu peux l’utiliser pour produire, en tant que support des documents, tu peux combiner tablette et manuel, tu peux faire des dizaines de choses avec. C’est donc assez difficile pour le formateur d’imaginer ce que tu vas pouvoir faire avec. Je te donne un exemple: la tablette permet de travailler avec de qr codes. Voilà, maintenant adapte le a ta pédagogie. Que tu sois prof de français de geo ou d’eps ça risque de changer ton utilisation. Il faut aussi que les profs s’interrogent sur leur matière, sur la manière dont ils les rendent acteurs du cours etc.
Pour la tablette prof, j’ose espérer que les profs seront dotés eux aussi même si au fond de moi j’ai comme une sale impression que ca ne va pas être le cas.
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